L'intensité des croyances

Xavier Coquelle – publié dans Santé Intégrative N° 34 Juillet / Août 2013


Nous avons vu que nos croyances sont les résultantes de marquages subjectifs conditionnés (Cf. article "Au secours mles croyances !"). Moins et plus que d'être un accès pour voir la réalité, elles sont l'expression de notre pouvoir créateur de mondes virtuels. Mais les croyances ont différentes intensités, les cartes représentatives qu'elles nous offrent ont différentes qualités et utilités. Explorons-les.


Croyances simples, utilitaires

Personnellement, je crois que les systèmes Linux sont mieux que les systèmes windows.

Je peux vous le démontrer avec un grand nombre d'arguments comme sa stabilité, sa très faible dépendance au mercantilisme, son origine coopérative, sa maintenance continue, sa robustesse, etc.
Bien entendu, certains pensent l'inverse et trouverons autant d'arguments de poids pour appuyer leur croyance en windows.
Il n'y a, raisonnablement, pas de vérité ici, tout au plus nous faisons des choix. N'en doutons pas, l'un comme l'autre adoptera l'autre système dès qu'il présentera des avantages considérés comme dominants dans un contexte et une époque déterminés.
Ce type de croyance est assez souple. Nous pouvons facilement les changer, nous reprogrammer. Cela nous permettra de dépasser des limites qu'elles nous imposent, d'être un peu plus en confort avec une nouvelle croyance plus adaptée à notre contexte, à notre mode de vie ou simplement à notre époque.
Ce sont des croyances simples, basiques, utilitaires.

Croyances structurantes, convictions

Je crois aussi que l'esprit mercantile est un frein au développement et à l'harmonie humaine.

Là encore, je peux appuyer ma croyance par de nombreux arguments. Et là encore, certains pensent l'inverse avec tout autant d'arguments comme par exemple la stimulation des échanges, l'innovation, etc.
Dans ce cas, ma croyance est plus structurante. Elle est une carte de plus forte référence pour moi. Elle me conduit à toute une série de croyances dérivées comme « la richesse est plus dans les échanges humains que dans les possessions ». Ma croyance constitue aussi un guide pour bon nombre de mes comportements. Par exemple par le choix d'activités contributives bénévoles dans des associations, ou, dans l'exercice de mon métier de coach, par le choix d'accompagner aussi des particuliers à un tarif bien moindre que celui pratiqué en entreprise, etc.
Ce sont ici des croyances de plus forte intensité : des convictions. Moins souples, elles peuvent changer aussi mais un tel changement serait beaucoup plus radical avec des conséquences bien plus vastes. C'est ce que j'ai vécu notamment à travers les professions que j'ai exercées. Je suis passé de développeur à manager en faisant le deuil de la technicité et de tous les comportements associés. J'ai choisi d'ajouter le volet de conseil en management, réduisant ainsi ma passion pour adopter un autre mode d'exercice professionnel très différent. J'ai laissé tout cela ensuite pour passer au coaching et renoncer ainsi à cette focalisation sur mes savoirs, mes expertises pour naviguer dans les vérités des autres : une révolution !
Nos convictions sont solides. Elles ne laissent pas la place à autre chose facilement. C'est bien souvent suite à une désynchronisation majeure que nous acceptons de les modifier. Cette désynchronisation est bien souvent un lent glissement dans un sentiment de plus en plus pesant et poignant de ne plus être dans sa propre vie.
Nous ne trouvons plus d'attrait à notre métier, la femme de notre vie n'est plus la femme de notre vie, etc. Perturbant, dérangeant !
Le travail à faire dépasse alors les simples ajustements plus ou moins ponctuels. Il demande une refonte, la destruction de biens des édifices, la création de notre nouveau monde cohérent.

Croyances identitaires, valeurs

Fondamentalement, je crois en la conscience, en son expansion, en l'évolution de l'homme vers une espèce douée d'une meilleure harmonie.

Cette croyance m'appartient depuis bien longtemps. Elle n'a fait que se renforcer, se déployer. Elle a orienté ma vie. Elle l'oriente encore d'une manière de plus en plus puissante. Ce type de croyance est tellement fort pour moi qu'il semble définir qui je suis : ce sont des valeurs personnelles.
Certains peuvent ne pas croire à cela, voire même un inverse où l'homme constituerait le sommet de l'évolution, et la conscience un épiphénomène secondaire par exemple derrière les plaisirs. Pourquoi pas ?
Mais si je peux admettre l'existence de croyances inverses, rien ni personne ne pourra me faire changer mes valeurs. Elles sont la carte très précise de mon territoire, le guide ultime de ma vie. Les tentatives de modifications seraient perçues comme une atteinte à mon intégrité.

Distinguer les niveaux de croyances

Les exemples donnés ici sont assez simples. Ils se veulent seulement illustratifs. Notre système de croyance est d'une complexité inouïe et chacun d'entre nous à son propre système nécessairement très différent de celui de son prochain. Au mieux nous pouvons identifier quelques croyances archétypes qui semblent être commun au plus grand nombre. Mais cette hypothèse n'a qu'une faible utilité pratique au quotidien. Notre système de croyance est un immense plat de spaghettis enchevêtrés. Si nous regardons à la loupe ce fatras inconcevable, il semble que nous retrouvions ces trois tailles de spaghettis : croyances simples, convictions, valeurs. Et encore, ces différences de tailles ne sont pas toujours très flagrantes. Quant à l'analyse des enchevêtrements, il n'y a qu'une seule méthode qui l'autorise : la méthode empirique, l'exploration directe.
Nous pouvons commencer par distinguer les plus gros : les valeurs. Les questions pour se faire sont relativement simples.

  • Qu'est-ce qui est vraiment le plus important pour vous ?
  • Pour quoi vous levez vous le matin avec le sourire ?
  • Qu'est-ce qui vous définit au plus profond de vous même ?
  • Pour quoi donneriez votre vie ?
  • Etc.

Les réponses sont bien plus difficiles tant notre plat de croyances est tentaculaire. Si vous me demandez pour quoi je me lève le matin avec le sourire, je peux très bien vous répondre du tac au tac : « l'odeur d'un bon café bien chaud ! »
Si vous en tirez vous-même des conséquences, elles seraient le résultat de vos propres croyances, de vos interprétations : « changez de métier, devenez torréfacteur ! » me diriez-vous peut être.
Cela semble probablement moins immédiat, mais je pourrais vous répondre que ce qui me fait lever le matin avec le sourire est la perspective de parcourir un chemin de conscience avec quelqu'un et de le voir évoluer. Pour obtenir cela, il devrait probablement se passer beaucoup de choses en moi, votre écoute devrait probablement être à son meilleur niveau, et notre relation de confiance et d'intimité devrais frôler la perfection.
Dans mon monde personnel et des croyances qui le crée, je crois donc que ce serait plus coach que torréfacteur. Mais dans le monde d'un autre, peut être ... ?
Je peux aussi, avec l'aide de votre questionnement, me rendre compte que coach avec une machine à café serait bien pour moi. Et là, c'est très probable, j'aurai fait un bel alignement dans mon plat de croyances devenu plus confortable.
Les niveaux de croyance ne se distinguent pas à l'aide de quelque théorie, pas plus avec nos projections sur le système de croyance de l'autre. Son expérience, sa trajectoire personnelle sont les seuls repères fiables, et ce qu'il en pense a seul valeur de référence. Et son référentiel personnel, expérientiel, est lui-même très complexe et fortement conditionnée par de nombreux facteurs.
Il suffit d'un contexte ou d'un état instantané particulier et ce qui est le plus important pour nous va nous paraître tout autre. Si j'ai faim un jour en me levant, le pain au chocolat deviendra ma pure lumière. Si ma chaudière est tombée en panne la veille, le Graal sera un radiateur bien chaud. Si j'ai eu dans la semaine des problèmes conflictuels, ne rêverais-je pas d'un monde de Bisounours voire  de pensée unique ?
La détection de nos propres valeurs ne  peux se faire sur un coin de table entre fromage et dessert. Elle demande une part d'introspection constructive et les conditions qui nous la permettent.
De la détection de nos valeurs va découler plus facilement nos autres bonnes croyances. Il suffit d''une réelle authenticité et honnêteté avec nous-même, puis une question de base :

nos autres convictions ou croyances servent-elles nos valeurs ?

Si oui, ce sont les bonnes. Si non, il y a des corrections à faire. Si cela n'a pas d'impact, c'est indifférent.
Je vous laisse apprécier et relativiser vous-même ce « il suffit de ... ». Pour analogie avec la construction d'un édifice, disons qu'une fois les fondations posées, « il suffit de » faire le reste.
On ne fait pas ici pour autant l'économie d'un bon architecte.

Croyances et spiritualité : et la foi ?

Ainsi, notre système de croyance se forme d'une manière très conditionnée et très largement inconsciente. De multiples événements nous tombent dessus, nous percevons des myriades de signaux, et nous interprétons tout cela avec une logique très incertaine et fluctuante, le plus souvent défensive.
Tout au plus, il existe des croyances identitaires dont on ne sait pas très bien si elles relèvent d'un inné ou d'un acquis conditionné. Nous pouvons croire en l'un ou en l'autre. Au mieux, nous pouvons douter, car le doute laisse une place au réel en marge de notre monde virtuel, de notre système de croyances.
Si nous croyons que nous sommes des êtres spirituels, ce sont certainement nos valeurs, nos croyances identitaires qui constituent l'incarnation de notre spiritualité.
Si nous ne croyons pas cela, la spiritualité pourrait se résumer à une sorte de méta-modèle que nous nous imposerions de considérer comme la référence véritable, la norme ultime, la morale salvatrice, la religion, la carte exacte du territoire.

Serions nous d'un côté un peu naïfs, et de l'autre un peu illusionnistes ?
Pour ma part, je crois que nous sommes de toute façon les deux !
Du seul point de vue de notre système de croyance, la foi se présente comme une conviction : c'est-à-dire une croyance intense, peu souple, peu aménageable.
Mais nous pouvons appréhender la foi à l'aune, non pas de nos croyances mais à celle de l'intensité du « phénomène », de l'expérience que l'on peut en avoir. Revenons à nos perceptions.
Lorsque quelqu'un nous parle de son ordinateur ou de sa télévision, nous ne percevons pas beaucoup d'intensité. Si l'on nous parle du niveau des convictions que cela soit d'un match de foot, de politique ou de religion, nous percevons très nettement une intensité supérieure. Lorsque quelqu'un nous parle de ce qui est le plus important pour lui, de qui il aspire à être vraiment, là, c'est encore une intensité plus grande qui aurait tendance à nous imposer le respect.
Parfois nous rencontrons des personnes qui nous parlent d'autre chose et nous percevons une telle énergie que la personne semble rayonner. C'est une perception et l'impression que cela nous donne. Je pense que c'est ici que la foi se trouve, non dans la croyance exposée mais dans l'intensité qui émane de la personne qui parle à ce moment précis et qui aurait tendance à nous imposer l'amour.

La croyance ne semble être alors qu'un habillage cognitif d'un phénomène réel et constaté, apparemment perçu comme étant de nature énergétique et expérientielle qui serait la foi.

Ici, non seulement vous n'êtes pas obligés de me croire mais ce que vous croyez ou ce que je crois n'a aucune espèce d'importance : c'est une expérience qui est ou qui n'est pas.
Ensuite, c'est à chacun de classer cela : bien ou pas bien, agréable ou pas, souhaitable ou pas, … et de créer son propre monde en conséquence.

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